Rôle de la Femme dans la société
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L’hypocrisie
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Compte rendu de la rencontre du lundi 21 novembre 2005.

Thème : « l’être et le paraître »

Dix huit personnes ont participé à la rencontre.

Miguel ; Dominique ; Florence ; Dominique ; Jeny ; Henk ; Renée ; François ; Serge ; Nadège  Serge ; Jean – Christophe ; Sergio ; Andrée ; Danielle ; François ; Thérèse ; Daniel.

Précisions

Contrairement  à ce qui avait été annoncé, il ne s’agissait pas de traiter « être ou paraître », mais bien « l’être et le paraître« , comme il est précisé ci-dessus ; que toutes et tous veuillent bien nous pardonner pour cette mauvaise annonce.

Deux personnes qui au dernier moment n’ont pu participer à la rencontre, avaient déposé quelques notes concernant le présent sujet ; ces notes ont été prises en compte dans ce présent compte rendu.

Le débat

Nous autres, pauvres comédiens, ombres de la vie humaine et fantômes des personnages de toute condition, à défaut de l’être nous avons au moins le paraître qui lui ressemble comme le reflet ressemble à la chose.

                                   (Th. Gauthier – Capitaine Fracasse) 

La nécessité de l’autre

Il est vite apparu évident que « l’autre » ou, « les autres », étaient indispensables à l’épanouissement de l’être, et ce pour trois raisons principales.

Tout d’abord dès le premier âge, où les relations privilégiées entre l’enfant et sa mère apparaissent comme absolument nécessaires pour développer la personnalité de l’enfant. Le cas de l’enfant loup, a été cité comme l’exemple même du résultat de l’absence de relation entre le jeune être et un autre être humain ; c’est à dire que l’individu restera sauvage et isolé de la société humaine. Il s’agit donc d’une affaire d’éducation, au sens strict du terme : faire d’un être innocent, naïf, simple… Un individu.

Mais le plus important peut-être, c’est à dire admettre que le truchement de « l’autre » est le seul moyen de se connaître soit même. Le regard de l’autre devient l’image de soi, et « le paraître » est un prisme qui forme une représentation qui nous fera reconnaître par le groupe (au sens large). Se met alors en place une double procédure, d’une part une demande de reconnaissance (par l’individu) et d’autre part l’acceptation de cette reconnaissance (par le groupe).

Tous les moyens pour y arriver reposeraient plus ou moins sur ce qu’il est convenu d’appeler : « la séduction ». Il est à remarquer qu’aucune définition n’a été donnée du mot « séduction », et qu’il fut évident pour toutes et tous que là se tenait le procédé même de la relation entre l’individu et le groupe. Rien n’empêche d’ailleurs le groupe lui-même d’user de cette séduction pour attirer dans son sein des individus qui lui semblent idoines à continuer le développement du dit groupe (mais c’est un autre débat peut-être). Il s’agirait alors de se composer une sorte de personnalité pour paraître, être ainsi reconnu et admis, l’on parlera alors de stratégie. Il semble que cette nécessité soit d’ordre génétique, ainsi en est-il de l’animal qui se pare pour paraître (exemple du paon qui fait la roue). Il faut se parer de bijoux pour plaire, pour être respecté certes, mais aussi par respect pour l’autre.

L’important sera donc de bien apprendre les signes et codes que l’on nous aura inculqués et de les restituer parfaitement, avec élégance si possible, pour mieux séduire encore. Si je ne suis pas reconnu, je ne suis rien : le plus bel arbre de la forêt n’est le plus beau, que s’il est reconnu pour être ainsi, son propre jugement ne compte pas. Sartre l’a bien reconnu, même si les autres sont l’enfer, nous avons besoin de cet enfer pour être.

Socrate explique à Alcibiade qu’il doit se connaître par lui-même avant de vouloir commander, mais il ajoute que l’on ne peut se connaître soi-même que par les autres. Que ce soient les autres ou « mes Frères » qui me reconnaissent ne semble pas faire de différence, puisque dans tous les cas, il s’agira toujours d’une part, d’une demande et d’autre part, d’une acceptation de reconnaissance culturelle. Une telle procédure suppose une connaissance parfaite des « signes » et autres symboles ad hoc d’où, la possibilité de tricherie.

Comme il est nécessaire de vivre « en harmonie », donc de maintenir un équilibre entre plusieurs forces (moi, ma famille, mon groupe etc…) l’on ne peut pas être « pleinement »: Il s’agit toujours de compromis.

Double contrainte – paradoxe – illusion – non-permanence

Le moi est donc mis à mal :

  • Il veut à la fois plaire et se protéger.
  • Il veut à la fois paraître sincère et se composer un masque.

Le paraître devient une faiblesse, puisqu’il oblige à s’exhiber. Comment à la fois cacher ses faiblesses et vouloir s’en corriger par le biais des autres ? Entre pudeur et hypocrisie où est la frontière ? Si l’on a besoin d’une carapace ou d’une coquille pour préserver son être, et si l’on doit aussi ce dépouiller, c’est à dire se présenter nu devant les autres comment résoudre l’équation ? Si je dois obligatoirement  plaire, faut-il jouer la vérité ou bien tricher ?  Existe-t-il une tactique meilleure ?…

La condition de l’artiste a été abordée : Pourquoi exposer donc… s’exposer ?

Sans doute par « Je est un autre ».

Rimbaud, prétendait qu’il ne pouvait expliquer comment il écrivait ses poèmes. Un « Je » inconnu,  non contrôlé, au plus profond de lui-même, se révélait ainsi brusquement (le poète portugais Pessoa a exprimé à peu près le même sentiment). L’artiste aurait donc un besoin absolu de l’autre, c’est à dire du voyeur, afin de savoir ce qu’il a voulu exprimer. L’œuvre d’art devient une « séduction » par nature, qui s’affiche, qui « paraît », et qu’il faut déchiffrer coûte que coûte. Ici encore nous trouvons une situation paradoxale : en s’affichant le peintre exige une interprétation de lui-même par le spectateur.

Le spectateur en interprétant, soumet son jugement à l’interprétation de l’artiste, en fait il s’oblige lui aussi à « paraître », donc à se dévoiler. Il s’agit d’un jeu croisé qui défie l’imposture, mais ne l’exclut pas complètement. Le risque de l’illusion réciproque est présent, ne serait-ce que par le jeu de la séduction, qui suppose toujours le désir implicite de plaire, donc de fausser le jugement. Comment être sûr que l’image qui est envoyée est la même que celle qui est reçue ?

Le monde n’étant pas permanent, il se peut que tout ne soit qu’illusion, et notamment ce que nous percevons de notre « être profond », c’est à dire de ce quelque chose qui nous pousse à agir et à paraître.

Seule l’extase – un état ancré sur le présent –  pourrait prétendre à atteindre le plus profond de l’être, situation sans séduction, sans public, sans même la conscience d’exister (cette voie n’a pas été explorée).

Quelques échos bouddhistes sont apparus, quant à l’inconsistance des choses, mais c’est un autre sujet qui nous entraînerait loin de notre objet présent.

La voie

Il est toujours difficile de donner des définitions philosophiques précises des concepts ; tout est question de contexte. Au cours du débat, peu à peu s’est dégagé le sens que l’on peut donner ici à chaque terme.

L’être (substantif) : C’est ce qui existe ; qui est là, ici et maintenant. Ainsi on parlera « d’être humain ».

Etre (verbe) : C’est la façon dont « l’être » se présente, avec ses qualités, ses caractéristiques.

 On peut dire aussi :

« l’être » intéresse l’existence et

« être » concerne l’essence, c’est à dire les attributs de « l’être ».

Paraître (verbe) : se montrer, le fait, l’action d’arriver (au monde) ; naître.

Le paraître (substantif) : la façon de se présenter de la véritable personnalité (de « l’être profond »).

Cela étant précisé, nous arrivons à la dernière partie du débat, à savoir que nous sommes des « êtres » en devenir. Notre essence, notre être – c’est à dire note essence – doit se développer au maximum de sa puissance, d’où la formule : « Deviens ce que tu es ! ». Initiation et évolution vont de conserve, cela suppose une permanente remise en question, qui ne peut se faire sans l’aide de « l’autre ». Reste à savoir si certaines personnes ou certains groupes sont plus à même de faciliter cet avancement de notre personnalité, la question reste très discutée, notamment en ce qui concerne les groupes. Si le seul réel reste « Ici et Maintenant », « l’être profond » n’apparaît alors qu’au cours des moments parfaits (artistique ou extatique). Quoi qu’il en soit, le travail sur soi, en solitaire – absolument nécessaire – réclamera toujours le passage au filtre des autres, le tout dans une réciprocité absolue. La tactique, la stratégie, n’ont plus rien à faire dans le débat. Quant au masque, il est aussi dangereux que la nudité, car il affiche toujours ce qu’il veut cacher.

Seule une confiance parfaite entre moi et les autres (fraternité ?) semble permettre l’installation d’un rapport privilégié.

La prochaine rencontre se tiendra le lundi 12 décembre 2005, le thème sera :

Le secret maçonnique

Daniel. Novembre 05