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La Tolérance
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LA RIGUEUR.

La rigueur est un mot qui a une consonance négative, car il est bien souvent associé à austérité, contrainte, obligation. Cet amalgame à consonance négative est entretenu par ceux-là mêmes qui n’en n’ont pas et qui par là-mêmes tentent de justifier ainsi le fait de s’en dispenser ; mais la rigueur est une nécessité. L’univers tout entier fonctionne avec rigueur, les planètes, les systèmes solaires, les galaxies ont une rigueur dans leur déplacement qui pour certains dépasse l’entendement, mais elles ne font que suivre une règle. Les astronomes peuvent les observer à loisir, ils peuvent aller se coucher et revenir le lendemain matin, sûr de les retrouver à l’endroit indiqué. Mais imaginons que ce ne soit plus le cas, imaginons qu’elles ne veuillent plus suivre les règles, que chaque planète décide de se déplacer de manière aléatoire selon son bon vouloir. Qu’adviendrait-il ?

Tout ce que l’homme imagine ou fabrique, il souhaite que cela fonctionne avec rigueur. Lorsque l’on tourne le volant à droite, le véhicule va à droite et non à gauche. Lorsque l’on passe la première, on s’attend à avancer et non à reculer, est-ce pour autant qu’il nous faut s’écrier «  youpi… hourra… ». Non cela suit une règle, il n’y a aucune austérité, aucune contrainte à cela. Tout n’est que rigueur, de l’infiniment grand à l’infiniment petit.

Nos organes, nos cellules, l’intégralité de notre corps, n’est que rigueur. Notre état de santé lui-même ne dépend uniquement que de la rigueur et lorsqu’elle s’efface, c’est la maladie qui apparaît. Les seules cellules qui ignorent la rigueur, sont de nature cancéreuse. Ces cellules se multiplient de manière égoïste, au mépris de la règle. Elles n’ont, ni dieu, ni maître. Elles ignorent mêmes l’hôte qui les héberge. Mais pensez-vous réellement que cette liberté soit avérée ? L’organisme tout entier va lui livrer une guerre sans merci. Il n’y a aucune intolérance à cela, c’est la préservation de l’organisme qui prévaut sur cette cellule scélérate. Mais pour cela l’organisme doit être réactif, il doit privilégier la rigueur au dilettantisme, car sinon il est trop tard.

Le temps jouant en faveur de la cellule, elle aura pu se multiplier de manière insidieuse et augmenter les rangs dans la bataille. Elle aura corrompue de l’intérieur tout l’organisme et c’est la puanteur de la chair quittant les os qui en donne l’alerte. Mais il est trop tard, l’organisme se meurt et avec lui, la cellule responsable. Justice est faite œil pour œil, dent pour dent.

Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, et ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, célèbre axiome hermétiste. Mais avons-nous pénétré de manière concrète cet axiome ? À savoir que si certaines cellules qui constituent notre corps n’ont aucune rigueur et qu’elles se dispensent des règles, c’est que nous-mêmes n’en n’avons pas d’avantage et en faisons de mêmes à une échelle supérieure. N’est-il pas ensuite risible d’invoquer la fatalité, le manque de chance, alors que l’on s’inocule soi-même le poison qui nous tue à petit feu ? J’entends souvent dire ici et là que c’est la liberté qui est au centre de nos ateliers, que les maçons sont des hommes et des femmes libres, ce qui justifierait ainsi pour certains d’entres-eux, le fait de s’exempter des règles, car des règles il y en a bien assez dans le monde profane pour que nous nous en créions d’avantage. Mais la liberté n’est pas de marcher sur la pelouse alors qu’il y a un panneau qui nous l’interdit, cette liberté là ne peut réjouir qu’un imbécile ; ce n’est pas de cela dont il s’agit. Ils avancent aussi que les contraintes, ne font pas avancer le chmilblic, que les gants maculés ou troués n’est pas grave en soit, car le port des gants blancs est symbolique, et le symbole ma foi, chacun l’appréhende comme il l’entend.

Soit, mais si demain cette même personne à l’estomac perforé par un ulcère, eh bien pourquoi n’accepte-t-elle pas le fait que, l’ulcère lui aussi n’en ait rien à faire de la symbolique de l’estomac non perforé. Pourquoi n’accepte-elle pas, que l’ulcère n’en ait lui aussi rien à faire des règles.

À chaque fois que consciemment où inconsciemment on ignore les règles le désordre apparaît. À chaque fois que l’on ignore le symbole ou le rituel par méconnaissance, le désordre apparaît. À chaque fois que l’on rentre dans le temple avec des gants sales le désordre apparaît et une fois qui s’est installé, il est bien difficile de rétablir l’harmonie qui est nécessaire à tout équilibre. La rigueur est un outil indispensable dans la vie et qui de plus est, incontournable sur le chemin initiatique et elle doit pouvoir s’appliquer aux moindres détails, car les petits ruisseaux font les rivières et les rivières, les océans.

En outre, la rigueur est le ciment qui permet à l’atelier de perdurer, car on ne peut baisser sa garde uniquement que si l’on est certain que le couvreur monte la garde et que l’on ne craint rien.

Comment ferions-nous si nous avions constamment une épée en main parce que le couvreur n’a aucune rigueur ? Et à contrario comment pourrions-nous admettre d’être désarmés si pertinemment nous savions que le couvreur n’avait aucune rigueur ?

L’attitude que nous observons individuellement vis-à-vis de l’atelier et la même que celle d’une de nos cellules vis-à-vis de nous-mêmes, car nous ne sommes qu’une poupée gigogne engoncé dans une autre poupée gigogne qui elle même est engoncée, etc. Nous ne pouvons récolter rien d’autre que ce que nous avons semé et qui de plus à une seule condition, qu’en plus d’avoir semé, nous ayons arrosé, enlevé les mauvaises herbes, préservé la moisson des insectes, car si l’on  attend que cela se face par la volonté du saint esprit, je crains fort que nous n’ayons pour unique repas qu’une poignée de charançons.

Tout cela pour dire que nous n’avons que ce que nous méritons, nous ne sommes que ce que nous construisons, aussi si nous ne sommes pas satisfait nous n’avons qu’à changer, mais cela ne se fera pas sans efforts. Le chemin initiatique demande du temps, beaucoup de temps. Il demande des efforts, beaucoup d’efforts.

À l’instar de la main gauche qui ignore ce que fait la main droite chaque cellule a sa fonction et pour le bien de l’ensemble elle s’en tient à ce qu’elle a à faire avec une extrême rigueur, certaine que chacune de son coté en fera autant afin que l’ensemble conserve sa cohérence.

La rigueur est à l’instar du sang qui coule dans nos veines et qui maintient la vie, il est l’élément crucial qui fait qu’à titre individuel nous devons être persévérant et pugnace et au sein du groupe, un pilier sur lequel on puisse s’appuyer. Le reste n’est que verbiage sans intérêt. À l’instar de la flèche qui n’atteint la cible uniquement lorsque tous les critères sont réunis à savoir la cible, la flèche et l’énergie suffisante qui la propulse, le chercheur sur le chemin initiatique lui aussi doit avoir identifié son but, ses armes et l’énergie qui va lui être nécessaire pour l’atteindre. Si la cible est la flèche sont là mais que l’arc qui produit l’énergie est absent, l’objectif ne peut être atteint. Si l’arc et la flèche sont là mais qu’il n’y a aucune cible, l’objectif ne peut être atteint. Si la cible et l’arc sont là mais qu’il manque la flèche, l’objectif ne peut être atteint. Ma démonstration se veut volontairement enfantine, car c’est aussi simple que cela. Avoir un objectif précis, choisir le ou les moyens pour l’atteindre et y mettre l’énergie nécessaire pour y arriver.

Nous omettons une seule étape quelle qu’elle soit et nous ne pouvons qu’échouer. Cela peut paraître ainsi comme une lapalissade, mais c’est ce que nous faisons continuellement. Lorsqu’on a une énergie débordante, on n’a pas d’objectif. Lorsqu’on a l’objectif, on n’a aucun moyen. Lorsque les moyens se présentent on n’a plus l’énergie. Il nous manque toujours 10 centimes pour faire un franc et l’on ne sort jamais de table. Un peu de pain pour finir le fromage, un peu de fromage pour finir le pain, un peu de… etc.

Certains pourraient objecter que ce n’est pas la peine de vivre si c’est pour vivre en ascète au fin fond d’une grotte. Mais au fond de la grotte nous y sommes déjà, nous ne connaissons que cela, et ce que le chemin initiatique se propose de faire c’est que nous découvrions les fenêtres afin que l’on puisse juger par nous-mêmes. Les dimensions de la grotte dans laquelle on se meut, si grande soit-elle n’est qu’un trou de taupe obscur au regard de l’immensité qui nous entoure et le plus beau des feux d’artifices, n’est en fait qu’un vacarme assourdissant pour l’aveugle privait du regard.

Toute réussite est faite de rigueur, toute victoire n’est que rigueur et bien entendu à contrario, l’échec n’est qu’un manque de rigueur, la défaite qu’une absence de rigueur. L’absence de rigueur, c’est continuellement remettre à demain ce que l’on peut faire le jour même et de lendemain en lendemain, notre agenda et envahit par des tâches aussi futiles, qu’inexécutées. Nous devenons au fil du temps et bien malgré nous des moulins à paroles, des brasseurs de vents, des spécialistes du courant d’air. Plus rien n’est simple tout est compliqué, ce qui nous oblige à engager une énergie incommensurable à régler des détails insignifiants. La moindre évidence est un travail de forçat qui devient faute de rigueur une vraie usine à gaz.

On peut rester des heures dans une salle d’attente un numéro en main, car on a pris l’habitude que nos journées soient remplit de rien, ou de pas grand chose. J’en resterais là car on pourrait en parler pendant des heures.

Rigueur et non rigorisme.

J’ai dit

François LINDO-DIEZ

Juin 6011