La recherche de l’idéal.
14 octobre 2019
La pensée peut-elle progresser vers le bien de l’humanité ?
14 octobre 2019

Compte rendu de la rencontre du lundi 09 novembre 2009

Thème : Que peut engendrer la peur ?

Jean-Christophe ; Renée ; Florence ; Lionel ; Dominique ; Serge ;  Nadège ; Serge ; Henk ; Jenny ; Daniel ; Nathalie ; Dominique ;

– Vous dites, commandant, que vous avez eu peur ; je n’en crois rien. Vous vous trompez sur le mot et sur la sensation que vous avez éprouvée. Un homme énergique n’a jamais peur en face du danger pressant. Il est ému, agité, anxieux; mais la peur, c’est autre chose. Le commandant reprit en riant :

– Fichtre ! Je vous réponds bien que j’ai eu peur, moi.

                            Guy de Maupassant : « la peur ».

La  peur existe, je l’ai rencontrée…

C’est une émotion plus ou moins vive engendrée par l’évocation d’un danger réel ou imaginaire, présent ou lointain, et qui physiologiquement, se manifeste de différentes manières.

La peur… innée ou apprise ? Ou les deux à la fois… semble avoir pour but la survie de l’espèce. Elle est aussi un moyen d’éducation comme par exemple les épreuves dans les sociétés initiatiques, ou, plus près de nous, la nécessité de prévenir un jeune enfant des dangers qui l’entourent.

Tous les sens fournissent les matériaux et l’imagination fait le reste.

Phobie ; effroi ; frayeur ; crainte ; anxiété ; épouvante ; terreur…  Les mots sont nombreux pour tenter de définir ce trouble qui paralyse notre esprit et menace notre intégrité.

L’on remarque que la peur, à l’inverse de l’angoisse, a toujours un objet précis.

Peur de soi, des autres, du vide, de l’inconnu, du trop connu, de la maladie, du chômage, de ne pas être aimé, des petites bêtes, du noir, du diable, de Dieu, de vieillir, de la maladie, de mourir, de la peur elle-même…

A chacun sa peur.

Peur physiologique, peur métaphysique (de ce qui nous dépasse)… immanence et transcendance… entre réalité et imagination… De quoi s’agit-il exactement ?

La peur c’est toujours la peur de quelque chose… C’est sur ce « quelque chose » qu’il faut donc travailler pour soit l’éradiquer, soit la réduire à un rôle positif.

Car il semble qu’il y ait une bonne et une mauvaise peur, celle qui inhibe et l’autre auxiliaire de la survie et de l’éducation.

Il est possible de faire une distinction de ces divers niveaux d’émotion et de peur, à partir de la théorie des trois cerveaux telle qu’élaborée par Mac Lean.

  • Le cerveau reptilien émetteur des pulsions – c’est la survie – ou, comment persévérer dans son être (la fuite, le combat).
  • Le cerveau limbique, qui intéresse plutôt l’apprentissage – ou, comment la peur peut être un moyen d’éducation (les contes pour enfants)
  • Et le néocortex, centre de la logique et du raisonnement – ou, comment chercher à se faire peur, pour se donner des émotions fortes (sports extrêmes, jeu).

Quoi qu’il en soit il faut avoir peur de deux types de personnes : Celles qui ont peur de tout (les pusillanimes) ; et celles qui n’ont peur de rien (les kamikazes et les martyrs).

Comme stimulant ou comme destructeur ? Il se pourrait que ne soit juste qu’une question de degré de peur.

Générer et gérer la peur…

La peur naît d’un danger annoncé ou inventé… Ou créée à des fins particulières.

Toutes les peurs ne sont pas imaginaires. Le soldat à Verdun ou Douaumont avait la peur rivée au ventre, et il n’avait  quasiment aucune chance d’échapper au massacre.

La création volontaire de la peur, lorsqu’elle n’est pas personnelle et donc ne vise pas à se donner du frisson, est souvent le fait de quelques auteurs qui ont intérêt à l’exploitation de cette peur. C’est un excellent moyen de pouvoir, donc de contrainte.

Le harcèlement moral est un bon moyen pour contraindre un employé… même si cela doit conduire au suicide.

La presse, la télévision, la radio sont d’excellents outils pour découvrir de nouvelles peurs et les distribuer dans le public. La politique se situe entre espoir et peur, et en jouant sur les deux tableaux conduit les citoyens à sa guise. Un ancien président de la République française était venu spécialement à la télévision pour porter cet unique message à l’attention des Français : « N’ayez pas peur ! »… Il s’agissait de voter affirmativement pour le projet de constitution européenne… La suite est connue : le vote fut négatif… Le message était sans doute trop ambigu malgré son apparente simplicité.

La peur de disparaître à jamais de la mémoire historique oblige nombre de dirigeants à se perpétuer dans des monuments symboliques tels que bibliothèques, pyramides, musées, grands travaux etc…

Le racisme organisé n’est rien d’autre qu’un moyen d’alimenter la peur ancestrale de l’autre, du métèque, de l’étranger… Elle permet de désigner l’ennemi, celui dont le sang abreuvera nos sillons tandis que la victoire en chantant nous ouvre la barrière.

La peur de la mort est un paradoxe qui n’avait pas échappé à Epicure (parmi d’autres Grecs), à savoir que craindre la mort est une chose stupide, puisque lorsque nous sommes vivants, la mort n’est pas ; lorsque la mort est là nous ne sommes plus…

Mais peut être faudrait il faire aussi l’éloge de la peur, puisqu’elle met un frein aux plus dangereuses expéditions : L’équilibre de la peur atomique a permis jusqu’à maintenant d’empêcher le déclanchement de la troisième guerre mondiale. A moins qu’un jour quelque Docteur Fol Amour, sans peur et sans esprit, ne déclenche l’apocalypse… C’est donc de lui qu’il faut avoir peur.

Toutes ces peurs apparaissent parfois comme un jeu à somme nulle, un système en équilibre instable où il est nécessaire de souffler constamment le chaud et le froid. Elle est devenue un instrument politique ou la menace le dispute à l’arrangement provisoire (par exemple la politique israélo-palestinienne).

Comment  progresser dans un tel environnement, si tant est que l’Homme est perfectible ?

Boris Cyrulnik confie lors d’une interview :

Nous, humains, vivons assez peu dans le monde des perceptions, et énormément dans le monde des représentations. Ce qui nous fait peur, c’est donc l’idée que nous nous faisons des choses bien plus que la perception que nous en avons. Nos peurs sont pratiquement les productions de notre propre esprit.

Si c’est vraiment le cas, alors il suffirait d’user de notre raison et de ramener chaque crainte à son juste niveau, en faisant la part de l’imagination et de la réalité.

Ainsi il faudrait alors ne considérer que nos représentations (les idées dit Cyrulnik), c’est à dire des images, des symboles, auxquels sont attachées les peurs. Le symbole semble être plus facilement traitable que les sensations qui elles sont souvent difficilement mesurables.

La question reste ouverte.

Prochaines Rencontres : Lundi 14 décembre 2009

Thème : la recherche de l’idéal