Le Progrès peut-il se tarir ?

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Compte rendu de la rencontre du lundi 22 fevrier 2010

Thème : Le progrès peut-il se tarir ?

Douze personnes ont participé à la rencontre :

Marie Gabrielle ; Florence ; Dominique ; Jacques ; Serge

Daniel                                                                                               Nadège

Henk ;  Dominique ;   François ;   Astrid ;   Jenny

Doucement, doucement tandis que les vers rongent les astres des pupilles

nelly  Sachs : Exode et metamorphose

Ronald Wright[1] écrit à propos de l’île de Pâques terre dénudée par la faute des hommes : Ceux qui ont coupé le dernier arbre voyaient bien que c’était le dernier, ils savaient, de façon certaine, qu’il n’y en aurait plus jamais d’autre. Pourtant, ils l’abattirent.

Dans son fameux discours de réception à l’Académie française[2] Condorcet déclarait :

Des avantages et des progrès des Sciences.

L’union entre les sciences et les lettres dont vous cherchez, Messieurs, à resserrer les liens, est un des caractères qui devoient distinguer ce siècle où, pour la première fois, le système général des principes de nos connoissances a été développé ; où la méthode de découvrir la vérité a été réduite en art, et pour ainsi dire en formules ; où la raison a enfin reconnu la route qu’elle doit suivre, et saisi le fil qui l’empêchera de s’égarer. Ces vérités premières, ces méthodes répandues chez toutes les Nations, et portées dans les deux mondes, ne peuvent plus s’anéantir ; le genre humain ne reverra plus ces alternatives d’obscurité et de lumière, auxquelles on a cru long-temps que la nature l’avoit éternellement condamné. Il n’est plus au pouvoir des hommes d’éteindre le flambeau allumé par le génie, et une révolution dans le globe pourroit seule y ramener les ténèbres.

Progrès industriel avec l’invention de la machine à vapeur… Développement de la technique, L’homme s’est rendu maître du Monde… Passé en peu de temps (en rapport avec l’âge de la Terre) de Cro-Magnon à l’ère industrielle galopante.

Jusqu’où peut-on aller ?

L’homme est il capable de changer de comportement avant qu’il ne soit trop tard ?[3]

Les sociétés humaines se sont développées selon deux modèles, l’un linéaire, l’autre cyclique.

Le linéaire est lié au monothéisme, avec une vision téléologique, donc une progression vers une fin agréable, le paradis ; les lendemains qui chantent ; le progrès technique et son cortège de choses supposées utiles pour l’être humain. Yahvé à remis à l’homme la responsabilité de gérer la Nature :

« Dieu dit : je vous donne toutes les herbes portant semence, qui sont sur tout la surface de la terre, et tous les arbres… L’homme donna des noms à tous les bestiaux, au oiseaux du ciel et à toutes les bêtes sauvages »[4]

Le modèle cyclique, est attaché aux phases des saisons et de la Nature, qui présente l’image de l’éternel retour, l’éternel recommencement, l’éternel réorganisation d’un monde qui s’use et dégénère. Les aborigènes en Australie et les amérindiens voient les choses d’une toute autre manière que les Occidentaux, à savoir que l’homme n’est que le gérant d’une Nature qui ne lui appartient pas, et qu’il faut donc ménager. Et pour reprendre une phrase célèbre, même si tout est possible tout n’est pas favorable.

Il y a dans ces deux visions du monde, deux manières de considérer le sacré… Quelles sont les limites ? Jusqu’où peut-on aller avec la notion de « progrès » ?

Le tout est de savoir s’il faut privilégier l’Homme, le profit, ou les dieux (à propos notamment de l’île de Pâques)… Sachant maintenant que les sociétés et les civilisations, sont mortelles.

Alexandre Vialatte affirmait que la femme remonte à la plus haute antiquité… Et pourtant elle n’est toujours pas l’égale de l’homme. Elisabeth Badinter reprend dans son dernier ouvrage le thème de la situation féminine dans nos sociétés dites de progrès.

La femme est doublement victime des églises et du progrès. La situation est paradoxale car la femme est d’une part fustigée par saint Paul (la femme doit obéissance à l’homme), et d’autre part est oubliée par le progrès sous prétexte que ce dernier est antinomique à la Nature… En effet quoi de plus naturel que l’enfantement, et quoi de plus anti-progressiste d’interdire à la moitié de l’humanité l’égalité dans les avantages sociaux, politiques, économiques sous prétexte que la nature de l’enfantement l’emporte sur le progrès. C’est le parfait cercle vicieux.

Il semble bien que la véritable faiblesse du progrès (économique, social, culturel, politique etc.) repose sur une absence de feed-back (ou : boucle de correction). A cela il faut ajouter un manque total de vision à long terme et une absence totale d’appréhension holistique du monde. En d’autres termes, une vue étroite dans le temps et dans l’espace conduit immanquablement à la perte de contrôle d’un progrès qui ne demande qu’à se développer pour son propre compte (celui de la performance et celui de l’intérêt pécuniaire).

En cannibalisant la nature (jusqu’au dernier arbre) malgré l’effet prévisible de la bombe « P[5] »), on décrit ici une conduite suicidaire, malgré les credo(s)  de tous genres qui affirment qu’il sera toujours possible de rectifier des situations catastrophiques.

Le mot « exploitation » a remplacé celui de « gestion » si tant est qu’il y ait eu une gestion saine de la nature. Exploitation de la nature mais aussi de l’homme par l’homme, et ce dernier constat pourrait faire l’objet d’une autre Rencontre.

Alors est-ce une vision pessimiste ou réaliste de l’avenir ?

  • Le progrès est le fait de l’homme
  • L’évolution est un phénomène naturel (voir Lamarck et Darwin, et autres)
  • Nouvelle définition : le Progrès et l’action de l’Homme sur la Nature.

D’où, quelques mouvements qui s’enchaînent et s’interfèrent :

  • Double effet sur la Nature: celui de l’évolution (naturelle), et celui du progrès (l’homme)
  • En modifiant la nature par le progrès, l’homme modifie l’évolution de la nature (la construction des grands barrages pour produire de l’électricité) (épuisement de la mer d’Aral pour cause de culture du coton)…
  • Toute évolution provoquée par le progrès mais jugée négative doit donc être rectifiée (autre forme de l’action humaine) et la boucle vicieuse est ainsi bouclée…

Il devient impossible d’établir un rapport « intelligent » entre Nature et Culture… Aucune science, aucune philosophie, aucune éthique – occupations et créations humaines – n’est en adéquation avec les règles de la Nature.

Prométhée a cru faire un cadeau aux hommes, il leur a donné l’instrument de leur perte… ou plutôt, il a oublié de leur indiquer comment s’en servir.

Prochaine Rencontre              le 26 Avril 2010

Thème :                                  La mort est-elle une fin ?

 

[1] Archéologue et écrivain : La fin du progrès : les leçons d’archéologie.

[2] Le 21 février 1782

[3] Ronald Wright

[4] Genèse

[5] « P » comme population