La Truelle
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Un maçon libre

Pour pouvoir réunir ce qui est épars, il nous faut tout d’abord savoir ce que l’on recherche. Comme un collectionneur qui a fait le choix de ce qu’il souhaite, il va ensuite passer le restant de sa vie à chercher l’objet de ses désirs. Il ne ménagera pas ses efforts en quête du moindre indice lui permettant de rassembler un maximum de pièces pour étoffer sa collection. Il sera capable de dépenser une fortune, de faire des milliers de kilomètres, ne comptant ni ses heures ni ses malheurs non plus, lorsque au bout de l’infini il se rendra compte que cette pièce, il l’a déjà.

Mais peut-il dissocier sa quête, de l’objet recherché ? Sans ses efforts, sa collection n’aurait aucune existence et sans ses efforts non plus, elle n’en aurait aucune valeur. Il a acquis au fur et à mesure de ses recherches, l’expérience, celle-là même qui le différencie de l’amateur dilettante incapable de distinguer la copie du vrai.

Il est devenu un expert en la matière. Il sait que les difficultés vont augmenter au fur et à mesure qu’il avance, car l’objet tant convoité ne peut se trouver que dans la rareté. Et par ailleurs, existe-t-il ce fameux objet si précieux qui rendrait le restant de sa collection insignifiante ? Quand bien même il en serait ainsi, l’idée même qu’il puisse exister lui est amplement suffisante pour justifier cette dépense d’énergie incommensurable qui le porte de jour en jour et d’année en année.

Est-ce que le réel collectionneur se contenterait d’une pâle copie, même si celle-ci est mille fois moins chère ? Non ! Il recherche la réalité vraie et en cela il n’est pas un manipulateur. Il ne modifiera pas l’objet en fonction de ses désirs, il le laisse être ce qu’il est.

Mais combien d’entre nous se sont-ils reconnus dans ce collectionneur qui entreprend ces démarches ? Qui recherche la vérité sans la modifier en fonction de ce qu’il souhaite ? Qui est capable de faire table rase du passé et redémarrer de zéro à la lueur d’un nouvel indice ? Peu, il faut bien l’avouer.

On entend souvent dire qu’il n’y a pas une franc-maçonnerie, mais des franc-maçonneries. Cela m’a toujours gêné, car s’il existe plusieurs franc-maçonneries, alors comment choisir la bonne ? En fait, il n’y a selon moi qu’une franc-maçonnerie avec un unique message. Cependant, il y a aussi des milliers de francs-maçons et en cela des milliers de franc-maçonneries, car chacun en voulant tirer la couverture à soi, souhaite créer la sienne. Mais cette attitude découle-t-elle réellement d’une liberté, ou bien n’est-ce qu’une aliénation ?

Pour simplifier, on pourrait dire qu’il y a une voie ésotérique qui ne représente qu’un point qui est le centre, et une voie exotérique qui en est sa périphérie et qui représente une surface. Bien entendu, comme dirait La Palice la surface pouvant se chiffrer en kilomètres carrés, à l’inverse du centre qui n’en est qu’un point, la majorité des francs-maçons s’y trouvent.

Chacun a ses rites, qui ont été modifiés au cours du temps pour coller au plus près aux inspirations de l’instant, et les paradoxes dans cette maçonnerie sont légion.

Comment la franc-maçonnerie peut-elle être christique ? Comment un rite maçonnique peut-il aider à avancer dans la foi chrétienne, musulmane ou juive ? La religion n’est-elle pas complète pour qu’il faille la compléter par la maçonnerie ? Auquel cas la franc-maçonnerie serait-elle à côté ou au-dessus de la religion ? Mais alors, pourquoi continuer de prôner le dogme ? Si la franc-maçonnerie peut se servir dans toutes les religions, toutes les traditions, philosophies ou autres, c’est parce qu’elle est totalement libre et sans aucune attache ; l’inverse ne l’est pas, car il y a le dogme. Ce n’est pas une attaque contre la religion, car j’ai le plus profond respect pour celui qui cherche sans relâche avec sincérité les réponses à ses questions, car il est seul. Mais n’est-il pas plus judicieux pour lui de ne suivre qu’un seul chemin ?

Les humanistes athées ne sont pas en reste, car ils veulent extérioriser la franc-maçonnerie pour apporter leur lumière au monde profane. Mais à l’extérieur, n’y sont-ils pas déjà ? Il est certain que ce discours ne peut pas plaire à tout le monde, et cela m’importe s’il peut un tant soit peu faire réfléchir, j’aurais alors touché mon salaire.

Pour avoir accès à cet ésotérisme maçonnique et pouvoir pénétrer la surface, il nous faut nous défaire de toutes les éruditions, ou tout du moins ne pas les privilégier en les mettant systématiquement en avant. Notre savoir est un obstacle, il nous handicape, il nous empêche de considérer les choses plus simplement. On intellectualise le symbole à outrance et l’on se perd dans des définitions qui deviennent des méandres, ajoutant ainsi sans cesse de nouvelles impasses à un labyrinthe déjà infini. Pour ma part, l’érudition n’a pas été un problème, n’en ayant que quelques grammes, le ménage a été vite fait. Dès mon apprentissage, je ne savais ni lire ni écrire, je savais tout juste épeler et cela m’a bien servi. Si nous ne redevenons pas comme des petits enfants, nous ne pourrons pas entrer dans le royaume des cieux. Cette phrase tirée d’une citation doublement millénaire, peut être traduite en français d’aujourd’hui par : arrêtons la masturbation intellectuelle et simplifions au maximum car si nous compliquons, nous nous perdrons.

Nombre de maçons que je nommerai exotériques, se veulent bâtisseurs de temples, mais ils passent leurs vies à bâtir des clôtures et des enceintes toujours plus hautes. Le maçon ésotérique n’est pas un bâtisseur mais un démolisseur, il démolit les clôtures et les enceintes du dogme qui l’empêchent d’avancer. Le maçon ésotérique est un apatride, un sans-papier, c’est un globe-trotter, un citoyen du monde. Il n’est l’esclave ni de son obédience ni du rite, il est un maçon libre dans une loge libre.

Le symbole est l’unique moyen de comprendre et de pénétrer ce qui constitue la franc-maçonnerie. Si l’on frappe, on nous ouvre. Si l’on demande, on reçoit. Si l’on cherche, on trouve. Si l’on n’a rien de tout cela, c’est que l’on n’a rien fait.

La connaissance est le fruit de la curiosité et l’important à mon avis n’est pas de croire ou de ne pas croire, l’important est de se poser les questions, d’être curieux de tout. Pour espérer quelques succès, la curiosité doit être pour nous quasi obsessionnelle, la recherche continuelle, la pugnacité une raison d’être et alors peut-être la synchronicité viendra-t-elle nous récompenser, les symboles peu à peu se laisseront dévoiler et notre intuition deviendra alors notre plus fidèle alliée.

Le franc-maçon n’est qu’un spermatozoïde, qui ne deviendra « un initié », que s’il parvient à pénétrer l’ovule, celle-là même qui engendre les mondes et pour un qui réussit, combien échouent, car s’il y a beaucoup d’appelés, il y a certes peu d’élus.

J’ai dit.                                                                                                                                                                  François LINDO-DIEZ                                                                                                                                Novembre 6008.