Silence, Recherche, Vérité
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L’Hypocrisie
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La Fraternité.

Définition du Larousse :

« Lien de solidarité qui devrait unir tous les membres de la famille Humaine ; sentiment de ce lien »

 « Lien qui existe entre les personnes appartenant à la même organisation, qui participent au même idéal »

Ce lien qui devrait unir tous les hommes n’existe pas davantage en franc-maçonnerie qu’ailleurs, par exemple dans des associations profanes, où ses membres s’apprécient, car il n’y a aucune raison objective pour que les francs-maçons aient le cœur plus grand qu’eux. Aussi, ne pensons pas une seule seconde que nous sommes entrés dans une famille, où tout nous sera donné et pardonné, car ce ne sera pas le cas.

La fraternité que nous y trouverons sera celle qui, sans contrepartie aucune, nous amènerons. La fraternité ne pourra être réelle que lorsque nous nous serons réellement initié, lorsque notre initiation sera devenue effective. À ce moment-là seulement, la fraternité aura un sens, car elle émanera tout naturellement de nous. En attendant, il nous faut faire comme-si. La fraternité est à l’image d’un outil, qui bien employé peut réaliser un chef-d’œuvre, mais qui sans attention aucune peut nous blesser.

« La vraie valeur d’un homme se détermine en examinant dans quelle mesure et dans quel sens il est parvenu à se libérer du moi »[1].

Cette fraternité qui transcende l’utérin et qui est naturelle pour le réel initié n’est que « franche camaraderie » pour les francs-maçons. La fraternité ne peut exister tant que l’ego persiste, car son existence (l’ego) se nourrit de la séparation par l’individualité. L’essence même de l’initiation, c’est de nous libérer de cet ego qui nous maintient en cage. Tant que la conscience est limitée à notre ego, la fraternité est impossible. Bien évidemment, on peut avoir un lien très fort avec quelques frères et sœurs, mais globalement cela est impossible avec l’ensemble, car nous n’avons pas le cœur assez grand pour aimer tous les francs-maçons de la même manière, et moins encore, ceux qui nous agacent.

Si la fraternité consiste à s’effacer soi-même pour mettre l’autre en lumière, comment cela peut-il être si l’ego est de la partie ? Néanmoins, avoir la possibilité du jour au lendemain de s’inscrire dans un groupe dans un rapport de franche camaraderie est tout de même déjà en soi une bonne chose. Peu importe qui nous avons été, peu importe ce que nous avons fait, ne compte que le présent que l’on construit et que l’on partage maintenant ensemble. Il nous faut faire ainsi, jouer le jeu du mieux qu’on le peut, mais sans être dupe.

Si au sortir de la cérémonie d’initiation nous devenons vierges de toute critique passée ; il ne tient qu’à nous, au présent, de garder les gants blancs au-dessus de toute souillure, et cela, sans escompter des autres une quelconque réciprocité. C’est cette recherche de réciprocité qui nous fait souffrir, car nous projetons sur les autres une image idéalisée de ce qu’ils devraient être, sans tenir compte de leur réelle nature.

Si la fraternité n’a aucune raison objective d’exister tant que l’initiation n’est pas devenue effective, l’attitude fraternelle en revanche, doit être entretenue et maintenue par tous les moyens possibles. Certains peuvent penser que la fraternité et l’attitude fraternelle, en franc-maçonnerie, sont l’unique et même chose, pourtant ce sont deux choses totalement différentes qui se situent à deux niveaux distincts. Tout comme la photo d’une rose n’embaume en rien un lieu et que la photo d’un plat ne peut rassasier, il ne faut pas confondre l’objet avec la représentation de l’objet. La fraternité est un état qui est propre à l’initié, alors que l’attitude fraternelle n’est qu’une pâle imitation, pour celui ou celle qui ne fait que jouer à l’initié. Néanmoins on peut considérer qu’elle est en soi à notre niveau, une qualité.

Cependant, si c’est en forgeant que l’on devient forgeron, on doit aussi pouvoir, même si cela reste insuffisant, atteindre la fraternité en ayant une attitude fraternelle. Aussi devons-nous être attentifs aux autres ; attentifs à tous nos faits et gestes qui pourraient blesser involontairement. La bienveillance doit être de mise en toute circonstance, elle seule doit guider nos pas ; elle seule peut passer outre l’erreur ou la maladresse.

 

N’est-il pas dit lors de la cérémonie d’initiation au troisième voyage, « N’oubliez jamais ce principe de morale sublime, connu de toutes les nations : ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’il te fût fait à toi-même. Pénétrez-vous aussi du principe positif qui en découle, énoncé par la franc-maçonnerie : fais aux autres tout le bien que tu voudrais qu’ils te fissent à toi-même ».

Cependant, avoir une confiance aveugle envers les sœurs et frères au seul couvert de la fraternité est une terrible erreur à ne pas commettre, car cela risquerait de nous coûter très cher. La fraternité universelle est comme l’utopie, un vœu pieux pour laquelle on peut œuvrer, mais certainement pas pour laquelle on peut se battre. L’attitude fraternelle en franc-maçonnerie se construit en étant attentif à l’autre. C’est un travail de chaque instant à réaliser de manière lucide, hors de toute naïveté.

Alors, avançons sans nous soucier de la fraternité qui est une chose qui ne peut exister à notre niveau, et si nous ne trouvons pas non plus l’attitude fraternelle à la hauteur de ce que nous souhaiterions, n’en faisons pas un casus belli pour la poursuite de notre voyage, contentons-nous pour l’instant de l’image. Un jour viendra où nous n’aurons plus, ni à la chercher ni à nous en soucier, car elle émanera tout naturellement de nous. Ce jour-là, la fraternité qui sera la nôtre s’exercera envers toute l’humanité et pas seulement envers les francs-maçons.

J’ai dit

François LINDO-DIEZ

Janvier 6015

[1] Albert EINSTEIN